ça ne devait pas se passer comme ça. dès son réveil, eli il l'avait pressenti que la journée allait être mauvaise. déjà parce qu'aujourd'hui il ne devait pas travailler. mais kimberly n'avait personne pour faire garder son gosse malade, alors c'est eli qui était venu en renfort au magasin. humeur dans les chaussettes, il aurait largement préféré trainer dans l'appartement avec wes, à se remplir les poumons de marie-jeanne devant un programme télé débile. mais non, il était là, derrière la caisse à sourire aux clients, bien trop loin de son canapé douillet, du genre à s'enfoncer dedans jusqu'au cou tellement il est confortable. les bips de la caisse lui vrillent les tympans tandis que, dehors, le soleil entame sa descente. les clients se font de plus en plus rare, normal, c'est l'heure creuse. a cette heure ci les gens ils sont chez eux, à préparer à manger. sauf cette fille qui erre à travers les rayons, remplissant son petit panier de denrées en tous genres. bouge toi le cul, qu'il a envie de lui dire le eli. mais il se retient, faisant mine de pianoter sur le clavier de l'ordinateur. il a envie d'aller prendre sa pause, d'allumer le joint qui l'attend sagement, bien au chaud dans la poche de son pantalon. la voilà qu'elle s'approche, une envie pressante. bordel, c'est une blague. qui demande à aller aux toilettes dans une supérette ? eli qui guide l'inconnue, poliment jusqu'au trône. mais voilà, il faut passer par la réserve et tête en l'air, le garçon il a laissé les clés dans la serrure extérieure. porte qui claque et les deux se retrouvent pris au piège. putain de journée de merde. qui s'échappe d'entre des lèvres amères.

Sortir de son appartement était de plus en plus difficile pour Willow après tout ce qui se passait dans sa vie. Après le décès de Charlotte, elle avait dû se résoudre à dormir chez ses parents pour quelques jours pour les rassures mais aussi pour se rassurer elle-même. Depuis quelques semaines, elle avait pris la décision de retourner chez elle avec Olive, sa chatte, pour reprendre un semblant de vie normale. Elle devait toutefois avouer que la tâche était beaucoup plus facile dans ses pensées, en pratique c’était différent. Elle avait par contre réussi à prendre son courage à deux mains pour sortir faire ses courses aujourd’hui, histoire de se mettre quelque chose d’intéressant sous la dent, histoire de ne pas se nourrir avec des conserves pour le restant de ses jours. Se commander du restaurant n’était pas une option, qu’est-ce qui lui garantissait que le livreur de pizza n’était pas le meurtrier? Elle se méfiait de tout le monde. Et si ce n’était que d’elle, elle aurait sans doute attendu d’être de retour chez elle pour aller au petit coin mais elle n’en pouvait plus. « Je pourrais emprunter votre salle de bain s’il vous plait? » demanda-t-elle en tapant légèrement du pied, guidée par sa vessie. L’employé accepta et la guida jusqu’à l’endroit tant attendu. putain de journée de merde. Son envie était tellement pressante qu’elle ne porta pas vraiment attention aux paroles du jeune homme, elle se dépêcha plutôt d’entrer dans la salle de bain pour faire ce qu’elle avait à faire. Mais lorsqu’elle en ressortit, elle s’arrêta nette en remarquant que l’employé était encore tout près et que la porte était fermée devant eux. « Pourquoi la porte est fermée? » demanda-t-elle en pointant celle-ci de son index. Son inquiétude se lisait dans ses yeux alors qu’elle fixait le jeune homme avec intensité, le regard rempli de méfiance. Et si c’était lui le tueur? Et s’il avait fermé la porte derrière eux pour s’occuper d’elle? Et si elle était la prochaine? Elle avança d’un pas décidé, sans le lâcher des yeux, et tenta de tourner la poignée sans succès. « Débarrez la porte. Vous devez débarrer la porte, là, tout de suite. » demanda-t-elle avec impatience en se reculant pour prendre ses distances avec lui tout en scrutant les alentours pour voir s’il y avait un objet quelconque qui pourrait lui servir pour se défendre en cas de besoin.