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@James Aana

Travailler ne lui avait jamais causé de problème. Tout le monde avait un emploi dans la vie, et même si ce n'était pas quelque chose de prestigieux ou de glorieux, ça payait plutôt bien et c'était tout ce qui l'intéressait. Sauf que depuis qu'on l'avait forcé à faire équipe avec le pire employé de la Californie, c'était devenu beaucoup plus pénible, voire carrément insoutenable. Évidemment, elle avait tenté de se plaindre en envoyant un courriel à son employeur pour tenter de lui expliquer que ça ne fonctionnait pas, mais celui-ci n'avait rien voulu entendre sous prétexte qu'à ses yeux, ils étaient l'équipe parfaite. Peut-être avait-il de la merde dans les yeux oui ou alors il s'en fichait tout simplement. Ce ne serait pas la première fois que quelqu'un n'en avait rien à foutre de ce qu'elle disait. On l'ignorait depuis qu'elle était gamine, elle y était habituée. Devant l'absence de solution face à son problème, elle n'avait pas d'autre choix que d'endurer. Pour la millième fois depuis ce matin, elle jeta un regard découragé et exaspéré en direction de James Aana. Ce mec était tout bonnement un boulet de la peinture. Parce qu'ils devaient repeindre la clôture en face de la bibliothèque municipale question d'embellir la propriété. Ils devaient la peindre en blanc, camouflant ainsi le vieux bois jaunit. Vrai que ce serait plutôt joli une fois terminé, sauf que quelqu'un ici n'avait visiblement pas compris les principes de base de la peinture. À savoir de ne pas inutilement noyer le bois, créant ainsi de longues coulisses épaisses qui tâchaient le gazon une fois au sol. Est-ce qu'il avait raté ses cours de maternelle? La fameuse base pour débutant où on apprenait à ne pas noyer sa feuille de papier. Apparemment, il avait oublié, mais elle pensait surtout qu'il agissait de la sorte par pure mauvaise foi. Il s'en fichait, elle pouvait le lire sur son visage. Il détestait ce job et n'avait pas peur de se faire renvoyer, alors que dans son cas à elle, se faire virer serait un très gros problème. À force d'agir en imbécile, elle en subirait forcément les conséquences. Là, tout de suite, elle s'imaginait l'agripper par ses horribles cheveux trop longs pour lui plonger la tête dans le pot de peinture et se servir de sa gueule pour peindre le reste de la clôture. Ce serait toujours un meilleur résultat que de lui laisser un pinceau entre les mains. Bha quoi? Ce n'était pas illégal d'avoir l'imagination fertile, ni de fixer quelqu'un pendant de longues secondes, voir plusieurs minutes. À force de planter son regard d'un bleu glacial sur sa personne, il finirait probablement par comprendre de lui-même qu'il travaillait comme une merde. Sauf s'il ne parlait pas couramment le langage non-verbal, langue dans laquelle Rain excellait depuis toujours. Elle détestait aborder les autres et elle ne comptait donc pas briser ses habitudes que pour lui. Elle attendit donc patiemment qu'il s'arrête, l'observant sans aucune gêne. Il faut dire qu'entre James et un chimpanzé de zoo, il n'y avait pas une grosse différence. Le spectacle était presque intéressant. Bref.

Malheureusement pour elle, le fixer et l'étudier ne semblaient pas suffire à lui faire comprendre quoi que ce soit. Elle devait donc prendre les grands moyens. Avec un peu d'hésitation, elle se racla la gorge, bien déterminée à ne pas lui adresser la parole sauve en cas d'urgence. Le raclement en question ne donna pas grand-chose, mais il finit tout de même par se retourner dans sa direction. Rain croisa son regard, moment beaucoup trop malaisant à son goût, incapable de franchir la barrière des mots pour exprimer ce qu'elle avait à dire. Devant son air bête de mec agacé, elle plissa légèrement les yeux, avant de déposer son pinceau. Ça y est, elle allait devoir faire l'ultime effort. Bordel de merde. « Tu vas finir par me faire renvoyer, ça te tuerait de t'appliquer au minimum? C'est que de la peinture, y'a pire que ça dans la vie, alors arrête de penser qu'à toi-même...» Bam. Rain parlait peu, mais elle ne parlait jamais pour ne rien dire. Le message étant fait, elle récupéra lentement son pinceau pour se remettre à la tâche, soupirant bruyamment au passage. Elle commençait à avoir une migraine à force de devoir le tolérer lui et ses manières d'homme préhistorique. Il faut dire qu'à l'inverse de lui, elle était née avec des talents artistiques et peindre était aussi facile et naturel que respirer. Elle avait le souci du détail et la délicatesse nécessaire pour accomplir la tâche de manière plus propre et ordonné que lui. D'ailleurs, elle refusait complètement d'admettre le fait que lorsqu'elle était beaucoup plus jeune, elle l'aimait bien, ce James Aana. Cette époque était hautement révolue et volontairement irradiée de sa mémoire. Inutile d'insister, elle ne l'aimait pas et ne l'aimerait jamais, ce type était bon pour la poubelle, point. De plus, il avait participé aux nombreuses tentatives d'intimidation à son égard aux côtés de ses potes. Raison de plus pour le barrer à tout jamais, non?

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@Rain Everdell

On va se dire les vraies choses, ce job ce n'était pas son idée et il n'avait très certainement pas envie de l'avoir non plus. Alors à la question; comment il s'est retrouvé là? On peut répondre en disant qu'il le doit à ses chers parents. Lui? Il était parfaitement heureux -façon de parler- à tourner entre les quatre murs de sa chambre. Les journées étaient longues d'accord, mais il s'est habitué, c'est le qualificatif de ce que sera le reste de son existence de toute façon; longue. Sauf s'il trouve moyen d'y remédier avant, ou que la vie s'en charge d'elle-même. Après tout, personne n'est à l’abri de tomber entre les mains d'un tueur en série non?. La fatalité, le karma, tout ça. Sauf que là n'est pas tellement le sujet. Le job, c'est ça son problème de l'instant. Ses parents ont finalement décidé qu'il était grand temps qu'il reprenne le cours d'une existence normale et malheureusement pour sa poire, travailler semble faire parti de ce que les gens qualifient de "normalité". Ça lui manque un peu les premiers mois qui ont suivi l'accident, quand ses vieux étaient presque trop paranos pour le laisser aller au toilette par lui-même. Ça a bien changé, maintenant on l'envoie littéralement en pâture à la cause d'esclavagisme numéro un des sociétés modernes; le boulot. De base, ça ne l'avait pas trop embêté quand son père lui en avait parlé, parce que James, il était persuadé que personne n'allait jamais accepter de l'embaucher. C'est qu'outre l'accident, il a quand même volé une voiture, et personne n'a envie d'avoir un voleur comme employé non? Un principe qui se tient, il s'en était plus ou moins convaincu. Malheureusement, papa est bien respecté à Monterey, et il a eu suffisant d'influence pour convaincre la ville de lui donner une chance aka un travail qui pourrait très bien être des travaux d'intérêt public pour un criminel, sauf qu'on lui donne un salaire pour faire croire que c'est pas le cas. Un travail dont il a bien l'intention de se faire virer, et ça, ce n'est pas à la moitié de ses forces. Dans la discipline du manque de volonté, il pourrait faire les olympiques. Et gagner. Bien évidemment qu'il sait peinturer, il n'est pas le dernier des imbéciles. Si les bouts de clôture qu'il recouvre de peinture blanche semblent complètement bâclés, manquant tantôt de peinture à certains endroits, pour en avoir beaucoup trop épais à d'autres, c'est parfaitement et consciemment volontaire. Il s'en branle James, son pinceau s'en branle aussi et ultimement, il est certain que la clôture s'en branle tout autant et probablement tout le monde aussi, même s'ils feront tous genre de regarder la nouvelle peinture en se disant un vague "ah oui, c'est plus beau comme ça". Parce que vraiment, qui ne s'en branle pas? Est-ce que tout le monde n'est pas déjà assez occupé à chercher un tueur et à s'accuser les uns les autres en se pointant du doigt?

En fait, il sait qui ne s'en branle pas. Rain. Il peut d'ailleurs sentir son regard bleu piqué sur lui depuis déjà plusieurs minutes et ça aussi, il met un point volontaire à bien l'ignorer. Si elle a quelque chose à dire, qu'elle le dise simplement. Ou plutôt, qu'elle ne le dise pas tient. Est-ce qu'on en parle de Rain d'ailleurs? Parce qu'en plus de devoir faire un job dont il a pas envie, voilà qu'il est coincé en équipe avec la folle du village. Y'a des gens malchanceux, et puis y'a James. Vous direz, s'il n'avait pas envie de travailler, il n'avait qu'à refuser. Certes. Sauf qu'à ce stade et après tout ce qu'il a fait endurer à sa famille, il n'a pas le cœur de les contrarier encore plus. C'est qu'il les aime bien ses parents, malgré tout. Se faire virer sous excuse de totale incompétence est donc une solution plus pacifique que de déclencher un conflit familiale. Le raclement de gorge de la jeune femme n'échappe pas au brun, et s'il est encore tenté de juste continuer de l'ignorer comme si elle était invisible, il se décide néanmoins à tourner la tête pour la regarder, plantant son regard détaché dans le sien. « Tu vas finir par me faire renvoyer, ça te tuerait de t'appliquer au minimum? C'est que de la peinture, y'a pire que ça dans la vie, alors arrête de penser qu'à toi-même...» James plisse légèrement les yeux à son tour, jetant un coup d’œil à la clôture avant de la regarder de nouveau. Il marque un instant de silence, n'étant pas certain d'avoir envie de répondre, sauf que bon, il faudra bien qu'ils s'adressent la parole un jour ou l'autre. « C'est que de la peinture, y'a pire que ça dans la vie. » Pour reprendre ses mots à la lettre. « Ça se verra même pas de loin. » Qui regarde les clôtures de proche de toute façon? Qu'elle relaxe. Et si le patron est fâché, elle n'aura qu'à dire que c'est sa faute à lui et il se fera virer. D'une pierre, deux coups.

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@James Aana

Évidemment, elle n'espérait pas à ce point que son intervention change complètement les choses, qu'il s'excuse et que par miracle, il s'applique davantage. Elle n'était pas naïve à ce point. Ce type n'avait jamais appris à mettre de l'eau dans son vin. Il avait toujours eu ce qu'il voulait et sans doute qu'il n'avait jamais manqué de rien non plus. À sa réponse, Rain pinça légèrement les lèvres, trouvant puérile cette façon de la citer en utilisant ses mots. Pire qu'un enfant! Effronté et manque total de respect. « Ça se verra même pas de loin. » L'argument de l'année, félicitation. Exaspérée, elle reporta son attention vers la clôture, utilisant habilement son pinceau pour couvrir de blanc le dernier petit coin de la planche de bois. Pourquoi elle. Pourquoi c'était toujours sur elle que la merde tombait et jamais sur la tête d'un autre. Elle n'avait pas envie de le supporter jour après jour, le laissant faire à sa tête sous prétexte que ça ne se verra pas de loin. Un nouveau silence s'installa entre eux, pendant lequel la blonde inspira profondément pour rester calme et parfaitement détaché de cette épineuse situation. Elle avait toujours eu un bon contrôle intérieur donc pas question de craquer maintenant. Pour s'aider, elle songea à sa maison qui l'attendait à son retour du boulot. Elle pourrait se faire un petit chocolat chaud et s'installer dans le salon avec ses trois chats et son chien pour regarder un film. Ce serait le paradis et... Malheureusement, une goutte de peinture contre sa main freina bien vite ses douces pensées pour un retour brutal à la réalité. Qu'est-ce que... il pleuvait de la peinture maintenant? Fixant sa main quelques instants, comme s'il s’agissait d'une pure provocation de l'univers, elle tourna ensuite le regard vers James pour réaliser qu'il venait tout juste de balancer son pinceau d'un geste brusque contre la clôture, ce qui avait provoqué cette petite goutte rebelle contre sa peau. Ça y est, il ne manquait plus que ça! Il l’éclaboussait! Furieuse, elle utilisa le pouce de son autre main pour effacer la trace, la dispersant avant que ça sèche. Il était vraiment insupportable!

C'était quoi son problème au juste, mis à part de ne pas vouloir faire ce job? Pourquoi est-ce qu'il se comportait comme un mec prêt à tout balancer derrière lui et à se jeter au bas d'une falaise? Personne ne lui avait jamais appris que la vie était dure et qu'on ne lui ferait pas que des cadeaux? Que quand on tombait, on se relevait juste pour continuer? Loin d'être un psychologue, elle soupira avant de tremper à nouveau son pinceau dans le liquide blanc. Sans trop savoir pourquoi, elle s'imagina le redresser et oups, le secouer suffisamment fort pour l'éclabousser, déversant une pluie de gouttelettes contre ses vêtements et ses cheveux. James n’apprécierait pas. Et en bonne lunatique qu'elle était, elle réalisa un peu trop tard que ce songe venait réellement de se produire, là maintenant. Elle l'avait fait. Rain cligna des yeux quelques instants, observant son collègue de travail d'un air égaré. Ah merde... Que dire? S'excuser? «...ça ne se verra même pas de loin » Elle étira ensuite un rapide sourire gêné, avant de se remettre à la tâche, prenant soin de s'éloigner un peu plus de plus, au cas où. Il n'était tout de même pas assez fou furieux pour se jeter sur elle, non? Pour sa part, elle avait déjà prévu les vêtements en conséquence. Elle portait un vieux jeans taché par endroits de peinture rouge et un hoodie dont l'une des manches était trouée. Elle pouvait bien supporter d'autres taches ici et là si besoin. D'ailleurs, même si elle faisait bien attention, des petits bouts de blanc apparaissaient déjà sur le devant de son pantalon, signe qu'elle n'était pas totalement immaculé non plus. Puis dans un élan de générosité de parole, Rain brisa à nouveau le silence d'un ton très calme et plat. « Qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi, hum? C'est quoi le problème? » Il allait bien finir par le dire un jour ou l'autre, non? Si de s'exprimer pouvait lui faire du bien au lieu de bâcler son job, ah bien qu'il parle, elle s'en fichait bien de l'entendre. Les gens adoraient parler, c'était un fait. Dans son cas à elle, s'était plutôt rare qu'elle entretenait une conversation, mais bon. James Aana n'était pas aussi sauvage, pas dans sa mémoire. Tout le monde l'aimait, lui.

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@Rain Everdell

Il fut un temps, James se serait probablement présenté face à tout ça avec une pointe de condescendance, un peu de moquerie et de plaisanteries destinées à piquer. Il n'a jamais été du genre à avoir peur de parler, et s'il n'était pas non plus de ceux à écraser les autres autour de lui, il savait bien prendre sa place et devenir le centre de l'attention d'un groupe. Pas vilain pour autant non plus, s'il lui arrivait d'être un connard, c'était bien souvent parce qu'il suivait les autres et ne réfléchissait pas plus loin. Il n'a jamais vraiment cherché à être méchant, on ne peut pas dire que c'est un trait qui lui vient naturellement. Il ne cherche d'ailleurs pas à l'être avec Rain non plus, même s'il s'en tient à ce qu'il sait d'elle et que ce n'est pas à l'avantage de la jeune femme. À ce stade, elle ou n'importe qui d'autre, ça n'aurait pas de différence. Il débecte l'univers tout entier, il n'a pas envie se sociabiliser et s'il a compris une chose, c'est que la meilleure façon de garder les gens éloignés c'est en leur donnant une bonne raison de le faire. Et quoi de mieux pour ça que de se montrer parfaitement désagréable? Avant, il aurait peut-être trouvé ça amusant qu'elle lui envoie de la peinture dessus, ou peut-être que ça l'aurait fait chier. Là, il s'en fiche bien. Y'a pas grand chose qui parvient encore à lui arracher des émotions, autre que la culpabilité incessante qu'il ressent en rapport avec l'accident. Alors il se contente simplement de soupirer, secouant légèrement la tête. Il ne peut pas s'imaginer qu'il va devoir se coltiner cette bizarroïde...encore heureux qu'il ne soit pas à temps plein en plus. Son seul encouragement est de s'imaginer que s'il est trop mauvais, on ne voudra pas le garder. Ça lui conviendrait parfaitement de retourner dans sa grotte et recommencer à éviter la civilisation. «...ça ne se verra même pas de loin » Le brun lui jeta un nouveau regard, blasé, avant de reporter son attention sur son bout de clôture. Très drôle, ça l'aurait été encore plus s'il ne venait pas justement lui-même de faire le coup de répéter ses mots. Elle manquait de pratique dans l'art d'emmerder si elle lui empruntait simplement ses trucs.

Le silence retomba rapidement et c'était sans doute pour le mieux. Cette clôture était bien assez grande pour les deux, peut-être qu'il aurait été plus sage qu'ils prennent chacun leur extrémité plutôt que de se suivre. « Qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi, hum? C'est quoi le problème? » James ne réagit pas immédiatement, continuant sa peinture en faisant comme s'il n'avait rien entendu. À nouveau il avait envie de juste reprendre ses mots et lui retourner la question; qu'est-ce qui tourne pas rond chez-elle? Lui demander c'est quoi le problème, comme si elle ne le savait pas déjà. Comme si tout le monde ne le savait pas déjà. Il fallait vraiment vivre sous une roche pour ne jamais avoir entendu parler de l'accident, ne serait-ce que vaguement. Son nom n'avait d'ailleurs pas été caché dans l'histoire. James, il était devenu le gars qui a survécu, le gars qui a perdu ses amis, le gars qui est presque mort après avoir volé une voiture, le gars qui s'en remet toujours pas, traumatisé, dépressif, celui qu'on regarde un peu bizarre, pas parce qu'on ne l'aime pas, juste parce que c'est comme ça, juste parce qu'on a pitié de lui probablement. Ou peut-être parce qu'on le juge un peu aussi. Alors oui, est-ce qu'elle lui demandait sérieusement c'était quoi son problème? « C'est toi qui es bossy, j'ai rien dit et j'ai rien fait moi. Si je peinture pas à ton goût, t'auras qu'à me le mettre sur le dos, ou la recommencer toi-même. » Avait-il vraiment besoin de spécifier que lui s'en fichait bien, ou c'était déjà assez clair? « C'est ton job j'ai compris, t'en as besoin pour vivre. Si quelqu'un est pas content t'as pas à me couvrir, je vais prendre la faute. J'ai pas besoin de ce boulot moi. » Non pas qu'il planifie de vivre sans le sou, au crochet de ses parents pour le reste de son existence. Disons plutôt qu'il ne planifie rien du tout, il n'a pas envie d'être là, devant elle, ni sur la surface de la terre en général.

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@James Aana

À mainte reprise, elle avait tenté de se convaincre que ce serait positif pour elle de sortir plus et de parler à plus de gens, mais lorsqu'il était question d'agir, elle perdait immédiatement toute motivation. Le fait d'être forcée contre son gré à être en compagnie de quelqu'un pour faire son job ne lui plaisait pas, mais c'était peut-être une sorte de signe pour lui dire que hey, il était grand temps qu'elle sorte de sa coquille et apprenne à vivre normalement en société. Sauf qu'elle ne savait pas trop y faire en matière de sociabilité et qu'elle finirait assurément par faire des gaffes, dire la mauvaise chose ou mal se comporter. Comme en ce moment même, avec cette histoire de peinture qui lui prenait la tête comme si c'était le drame de toute une vie. Oui, elle avait peur de perdre son job et ça la stressait, mais elle ne risquerait pas de convaincre James de faire plus attention en lui reprochant des trucs futiles aux trente secondes. Elle savait bien que sa stratégie était mauvaise, mais faute de pratique, elle ne savait pas vraiment comment l'approcher ou l'apprivoiser. Il n'avait rien d'un chat de ruelle à qui on tend de la nourriture pour l'amadouer. Quoi qu'elle pourrait toujours faire le test un jour, pourquoi pas. Il fonctionnait peut-être mieux le ventre plein ou avec des grattouilles, mais ça elle refusait de le toucher. Pas question et puis ce serait bizarre, même ce mot lui collait à la peau depuis sa naissance ou presque. « C'est toi qui es bossy, j'ai rien dit et j'ai rien fait moi. Si je peinture pas à ton goût, t'auras qu'à me le mettre sur le dos, ou la recommencer toi-même. » Eh? Il avait bien dit... bossy? Un peu surprise, elle plantant son regard de saphir dans le sien, l'air totalement perdu. «...on ne m'avait jamais traité de bossy avant...» C'était nouveau cette insulte et puis quel drôle de choix. Est-ce que c'était péjoratif d'abord? Il voulait dire quoi exactement par bossy? Lui poser la question ne ferait qu'empirer son cas, ce pourquoi elle n'argumenta pas. « C'est ton job j'ai compris, t'en as besoin pour vivre. Si quelqu'un est pas content t'as pas à me couvrir, je vais prendre la faute. J'ai pas besoin de ce boulot moi. » Okay... ça avait le mérite d'être clair au moins. Elle hocha lentement la tête, avant de soupirer tout doucement. « Tu comprends au moins...» Ah bha, c'était suffisant pour la soulager oui! Il n'était peut-être pas si con que ça s'il avait compris qu'elle ne voulait pas se faire renvoyer. Du moins, c'était un bon début. Par contre, d'après le reste de ses paroles, il ne comptait pas faire plus attention à sa manière de travailler. Il l'encourageait plutôt à aller le dénoncer elle-même si elle n'était pas contente. Hummm. « On est une équipe, je ne peux pas tout te mettre sur le dos. » Elle haussa les épaules, avant de tremper son pinceau à nouveau dans le pot. Et puis soyons honnête, personne n'allait la croire si elle le dénonçait. C'était peine perdue, on la traiterait de menteuse ou on lui demanderait de le surveiller davantage, tout simplement. Rain était persuadée que ça lui retomberait dessus au lieu de l'épargner, donc il était hors de question de suivre son conseil.

Dans un élan de générosité, elle contourna James pour s'attaquer à son côté de clôture déjà entamé, là où il manquait de blanc, laissant les zones avec trop de surplus dans leur état. Elle recouvrit rapidement ses erreurs d'inattention, puis comme si de rien n'était, elle reprit sa place pour poursuivre en silence. Il n'y avait plus matière à se disputer non? Quelques minutes plus tard, un couple traversa le terrain en rigolant entre eux d'un air amoureux. Sans gêne, la blondinette les observa, notant qu'ils se tenaient la main comme pour éviter de se perdre. Est-ce que d'aller à la bibliothèque c'était à ce point romantique? Drôle de choix pour une sortie en tout cas, même s'ils étaient en âge d'être de simples étudiants. Lorsqu'ils passèrent à leur hauteur, ils se firent soudainement silencieux, les dévisageant d'un air dédaigneux. Rain les fixa en retour, nullement incommodée par leur changement d'attitude. Peut-être n'aimaient-ils pas le blanc? De toute façon, ils s'éloignèrent bien vite et elle reprit le travail comme si de rien n'était. « Pourquoi tu ne cherches pas un autre boulot, si tu n'aimes pas celui-ci? » Peinturant de haut en bas, elle poursuivit d'un ton calme. « Tu peux sûrement trouver mieux » Ou bien il était ici parce qu'il n'avait justement pas trouvé rien de mieux, c'était une possibilité. Pourtant, il devait bien être doué dans quelque chose, qu'importe le domaine. Il avait encore une chance de faire partie des gens bien qui vivent confortablement et qui réussissent dans la vie. Il avait juste un souci d'attitude, mais bref, personne ne l'avait détesté ou repoussé toute sa vie. Il avait encore sa famille pour le soutenir et sûrement quelques amis ici là qui attendaient de le retrouver. Des choses qu'elle n'avait jamais eu. Lentement, elle tira le capuchon de son hoodie contre sa tête, avant de lui jeter un rapide coup d'œil. Elle avait beau essayer, elle ne le comprenait pas vraiment ce James Aana. Mais peut-être accepterait-il de lui fournir plus de détails avec le temps. Elle n'aimait pas le fait de devoir passer du temps avec lui et ne comptait pas devenir son amie, mais une certaine curiosité la poussait à le questionner. Bien entendu, comme le reste des habitants de cette ville, elle connaissait les rumeurs à son sujet, sa tragique histoire, mais depuis toujours, elle avait appris à ignorer complètement ce genre de chose. Les fameux ouï-dire. L'opinion des autres n'avait aucune importance à ses yeux.

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@Rain Everdell

Visiblement être sociable, ce n'est pas comme la bicyclette, c'est un savoir qui s'oublie, et même plutôt rapidement. Y'a moins de deux ans, on pouvait dire que James, il était au sommet de son art. Certes, il ne faisait pas grand chose avec sa vie, ne s'était jamais décidé à poursuivre ses études, ne savait pas vraiment ce qu'il voulait faire, ce qu'il voulait devenir, mais franchement, ce n'est rien exagérer de dire qu'il aurait pu être n'importe quoi. Tout était à sa portée et il avait le charisme et l'attraction nécessaire pour convaincre n'importe qui de le laisser être tout ce qu'il voulait. Tout ça, changé en une fraction de seconde, éclaté pour une simple mauvaise décision. À quel point tout ne tient qu'à un fil, à quel point tout est si fragile, James  l'a réalisé de la façon la plus brutale qui soit. Et ça change tout, oui, absolument tout. Il n'y a pas de retour en arrière possible, il n'y a pas de seconde chance à ce niveau. Il ne peut pas refaire cette journée et choisir autrement. Il ne peut pas revenir en arrière, sauf qu'aller de l'avant lui semble tout aussi impossible. Peut-être qu'il est mort lui aussi, dans cet accident. C'est souvent l'impression qu'il a, d'être là, mais d'être ailleurs, loin. Sauf que y'a personne qui comprend vraiment, même s’ils essaient, même si y'a parfois des gens qui ont l'audace de lui dire; je sais ce que tu vis. Ils ne savent pas. Ça ne s'explique pas, ça ne se partage pas non plus. On attend de lui qu'il guérisse, qu'il reprenne sa vie normalement. On se choque un peu de le voir insolent, d'avoir l'impression qu'il se fiche de tout le monde. C'est le cas, et il a le droit, non? Sauf qu'il ne peut pas vraiment en vouloir à personne. Comme en ce moment, il ne peut pas vraiment en vouloir à Rain d'accorder autant d'importance à cette putain de clôture. Il ne peut pas lui dire à quel point c'est débile, à quel point c'est extrêmement loin dans la liste de ses problèmes à lui, voir même que ça n'y figure même pas. Y'a plus grand chose sur cette liste de toute façon, y'a pas grand chose qui peut encore être considéré comme un problème quand on le compare à la mort de ses deux meilleurs amis dans un crash de voiture. Et c'est peut-être pour ça que James a souvent l'impression de ne plus rien ressentir d'autre, parce que y'a rien d'autre qui peut être assez fort pour dépasser cette perte et la culpabilité qui l'accompagne. Tout ce qu'il peut faire c'est s'armer de patience et tenter de ne pas agresser les gens qui l'entourent sous l'unique et mauvaise raison qu'ils ne font pas parti du drame perpétuel dans lequel il a l'impression de vivre. Malheureusement la patience n'a jamais été une de ses premières qualités, alors il fait ce qu'il peut dans les circonstances. Comme en ce moment, où se il retient de faire sa crise et de dire à la jeune femme qu'elle peut bien se faire foutre avec sa clôture. Ce serait méchant et injustifié, alors il évite, on lui a dit mainte fois, il ne peut pas juste rejeté sa douleur sur les autres non plus. Ce n'est pas correct.

« On est une équipe, je ne peux pas tout te mettre sur le dos. » Euh. Si? James la suivit des yeux quand elle le contourna pour aller corriger quelques défauts sur la portion qu'il avait peinturé, au grand damne du brun disons-le. Comment pouvait-il espérer se faire virer si elle réparait derrière? Pour un peu, on croira qu'il n'était pas un si terrible employé et ce n'était pas du tout son plan. Il choisit pourtant de simplement ignorer, après tout, son idée était de se faire virer pour incompétence, pas pour mauvais comportement. Il se contenta donc de pincer les lèvres, jetant un regard en direction d'un petit couple qui passait à côté pour se rendre à la bibliothèque, ne sachant pas trop si leur soudain silence était dû à lui ou à Rain. Voilà qui était un moins un point positif d'être coincé avec elle, il pourra se laisser croire, que si les gens sont bizarres en leur présence, c'est de la faute de la blondinette et non pas la sienne. « Pourquoi tu ne cherches pas un autre boulot, si tu n'aimes pas celui-ci? » Il pourrait surement trouver mieux en effet. Quoi répondre à ça? La vérité ou une réponse politiquement correct? La vérité, il a dépassé le stade où il cherchait encore à plaire et bien paraitre. « Je cherchais pas de boulot. C'est l'idée de mes parents pour me faire sortir de la maison. » Pour qu'il sorte de sa bulle, ou parce qu'ils en avaient marre qu'il soit toujours là, c'est une autre question. « Alors...j'ai pas envie de travailler et je vais me débrouiller pour me faire virer. » Il pourrait aussi simplement démissionner, mais il ne voulait pas contrarier ses parents, même si d'un autre côté, se faire virer allait probablement les contrarier quand même, mais au moins, il ne pourrait pas dire que c'était de l'auto-sabotage, la décision ne viendrait pas de lui, mais du patron. « C'est dommage que ce soit tombé sur toi, pour l'équipe, mais je te le dis, j'ai pas l'intention de te faire perdre ton job et si y'a un problème, je leur dirai que tu travailles parfaitement, comme une employée super zélée. » Elle pouvait dormir tranquille, il n'était pas là pour la ruiner. Sa seule victime allait être lui-même.

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@James Aana

« Je cherchais pas de boulot. C'est l'idée de mes parents pour me faire sortir de la maison. » Le faire sortir de la maison? Qu'est-ce que ça voulait dire au juste? Il était devenu une sorte d'ermite ou quoi? Et plus étrange encore, il disait que c'était l'idée de ses parents et non la sienne, alors pourquoi est-ce qu'il se laissait tout simplement faire? Il n'avait plus vraiment quatre ans non plus, il était majeur et en moyen de faire ses propres choix comme un adulte. S'il ne voulait pas travailler, ah bien qu'il assume ce choix et puis c'est tout. Ou alors, ses parents avaient fait ça dans le but de... l'aider? Mais est-ce que ça l'aidait réellement? Il n'en donnait pas l'air. Peut-être devrait-il aller leur parler pour leur dire la vérité à savoir qu'il détestait ce boulot et qu'il ne reviendrait pas. « Alors...j'ai pas envie de travailler et je vais me débrouiller pour me faire virer. » Cette logique de merde la fit soupirer de nouveau, cachant difficilement son air découragé. « Tu pourrais aussi quitter cette ville et refaire ta vie ailleurs » Elle en serait bien heureuse qui plus est. Une épine de moins sous son pied, ce n'était pas elle qui verserait une larme. Et puis au moins, elle retrouverait sa routine habituelle sans lui pour lui pourrir l'existence. James avait peut-être besoin d'air au fond. Partir n'était pas si stupide comme idée. Elle se demandait même pourquoi il n'y avait pas songé lui-même, à mettre les voiles et de possiblement refaire sa vie ailleurs en Californie. « C'est dommage que ce soit tombé sur toi, pour l'équipe, mais je te le dis, j'ai pas l'intention de te faire perdre ton job et si y'a un problème, je leur dirai que tu travailles parfaitement, comme une employée super zélée. » La blonde lâcha un grognement, avant de planter son regard de glace dans le sien. « Je suis pas zélée » Ni bossy, d'ailleurs! Tout ça, c'était simplement dans sa tête, dans son petit monde imaginaire où il croyait la connaître, ce qui était loin d'être le cas. Tout ce qu'il savait à son sujet, c'était ce que tout le monde croyait savoir. La fille de la folle du village, destinée à finir comme sa pauvre mère. Agacée, elle fit quelques pas dans la direction contraire de James, poursuivant ensuite son boulot en silence. Elle finirait bien par être débarrassée de lui un jour ou l'autre donc peut-être devrait-elle l'ignorer jusqu'à ce que le destin se charge de son cas. Le patron pourrait toujours le renvoyer pour mauvaise conduite ou autre truc du genre. Et comme il le disait si bien, il prendrait le blâme à lui tout seul et il la laisserait en dehors tout ça. Amen.

Une fois sa portion de clôture terminée, Rain s'octroya une petite pause. Elle se posa à même le gazon, s'étalant de tout son long comme quelqu'un sur le point de faire une sieste improvisée. Au lieu de fermer les yeux, elle fixa le ciel tout simplement. Il y avait quelques nuages ici et là, de forme plutôt étirée comme si une main géante avait tenté de les effacer du ciel. D'après la position du soleil, il devait être midi ou quelque chose dans le genre. L'heure officielle de la pause dîner, donc. Dans son sac à dos, elle s'était apportée quelques trucs à manger, mais n'avait pas encore faim. Ses pensées étaient ailleurs, comme trop souvent. Elle se demandait ce que sa mère faisait aujourd'hui. Est-ce qu'elle contemplait elle aussi le ciel depuis la fenêtre de sa chambre? Est-ce qu'elle prenait son dîner en compagnie des autres malades comme elle? Est-ce qu'elle trouvait le temps long ou est-ce qu'elle s'ennuyait? Difficile à dire. Certes elle allait la visiter parfois, mais c'était compliqué de s'y rendre en transport en commun et il y avait des heures précises pour les visites, elle ne pouvait donc pas aller et venir à sa guise. Le plus dur c'était de ne pas sortir de là complètement déprimée et sur le point de fondre en larmes. Personne ne devrait finir en institut psychiatrique. C'était peut-être pire que la mort elle-même. Une fois le dos endolori, Rain se redressa et attrapa son sac à dos à côté d'elle pour sortir son repas. Par réflexe, elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, pour voir si James était encore présent ou non. Toujours là, oui. En pause également. Grognonne, la blonde mordit dans sa pomme, avant de reporter son attention sur autre chose. Elle observa plutôt les gens passer sur le trottoir ou ceux qui remontait l'allée jusqu'à la bibliothèque. Tous des inconnus à ses yeux, parce qu'il y avait peu de gens dans cette ville qu'elle connaissait véritablement. Elle les considérait comme de simples monsieur et madame tout le monde. Réalisant que James s'était rapproché de sa bulle, la blonde plissa les yeux dans sa direction avant de briser le silence à nouveau. « Tu y crois, à cette histoire de tueur? » Oui, elle parlait bien de ce tueur-là, celui qui avait enlevé la vie à des habitants de cette ville. « Tu penses que c'est qui? » C'était peut-être lui. Ou pas, parce qu'il n'avait pas l'air assez futé pour ça. James manquait de subtilité et ce tueur avait tout de même échappé aux flics depuis plusieurs mois. Ça prenait forcément quelqu'un de malin ou juste quelqu'un qui se fondait bien dans la masse.

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@Rain Everdell

« Tu pourrais aussi quitter cette ville et refaire ta vie ailleurs » James se retient de rouler les yeux ou de soupirer, n'ayant pas envie de se lancer dans une discussion sur le sujet, mais n'étant pas moins agacé du commentaire. Il n'a pas le droit de faire ça, même s'il le voulait, il ne s'en accorderait pas la chance. Il se doit de rester à Monterey, pour ses amis, pour la famille de ceux-ci aussi. Il aurait tellement voulu qu'on lui en veuille pour l'accident, que les parents de Michael et Nate le détestent d'être toujours vivant alors que leurs fils sont mort, mais tout au contraire, ils lui ont à mainte reprise répété qu'il n'était pas responsable de leur mort, qu'ils étaient trois dans cette histoire et dans cette voiture et non pas que lui. Ils lui ont dit qu'ils voulaient le voir vivre et être heureux parce qu'il était la dernière chose qui les liait à leurs fils, comme s'ils vivaient toujours, mais à travers lui. Oh, ils pensaient sans doute bien faire en lui disant ça, même si du point de vue de James, ils n'auraient pas pu trouver pire. Comme s'il n'avait pas déjà assez de sa propre existence, déjà assez de ses parents à décevoir, maintenant, il devait vivre pour trois, il devait se montrer à la hauteur pour sa famille, et pour celles de ses amis aussi. Alors quitter la ville et refaire sa vie? Ce serait tourner la page sur cette histoire, l'oublier, les oublier, les laisser derrière. Impossible. Il ne quittera jamais Monterey. Ça devrait être une punition suffisante. À défaut d'être en prison, il se condamnera à vivre dans son propre cauchemar. Sauf que tout ça, il ne se voit pas l'exprimer à voix haute, surtout pas à Rain. Ce n'est pas comme s'ils étaient amis ou autre, collègue tout au plus. Il en revient dont simplement au sujet du boulot et au fait qu'il ne souhaite pas lui causer des problèmes à elle. James la toise sans véritable émotion quand elle rétorque qu'elle n'est pas zélée. Un petit peu quand même, non? Puis pourquoi elle le regarde comme s'il venait de l'insulter? Ce n'est pas une insulte, enfin, pas totalement. Il n'y a pas de doute, cela fait très longtemps depuis l'époque où, enfants, ils jouaient ensemble. Ils ont bien changé, bien que James ne se souvienne pas à quel moment exact ils ont arrêté de s'adresser la parole. Quoiqu'il y a bien des chances que ce soit quand elle a basculé du côté des parias de l'école. Il ne sait pas trop pourquoi d'ailleurs, à cause des histoires sur sa mère sans doute, ou juste parce qu'elle n'était pas assez "comme les autres". C'est bien connu, il n'y a pas plus cruel que des gamins face à la différence. Enfin si, les adolescents sont encore plus cruels que les gamins, sans aucun doute.

Quand la jeune femme s'arrêta finalement de travailler pour prendre une pause et son repas, James en fit autant. Il n'avait certainement pas l'intention de faire plus de travail que nécessaire, même qu'il pourrait volontairement prolonger son temps de diner, question d'être en retard sur la tâche. Toute possibilité pour être un mauvais travailleur sont bonnes à prendre. Même si franchement, il ne sait pas trop ce qu'il ferait pour s'occuper en attendant. Aller se balader peut-être? Aller se chercher un café le plus loin possible question de revenir super en retard? Il a bien le temps d'y réfléchir. Pour le moment, il se contente de revenir vers Rain, avant de se poser dans l'herbe non loin d'elle. Ouvrant son sac, il en sort sa bouteille d'eau qu'il pose près de lui, avant de récupérer un paquet de twizzlers -la santé avant tout- et d'en mordre une entre ses dents pour se libérer les mains, question d'aller cueillir un pot avec plusieurs pilules à l'intérieur, soit tous les trucs dont on le gave pour tenter de le réparer d'une quelconque façon. « Tu y crois, à cette histoire de tueur? » James tourne son regard vers elle, tirant sur le bout de la torsade qui dépasse de sa bouche. « C'est un peu dur de pas y croire, y'a quand même six morts déjà...» Ça avait dépassé le stade de la rumeur ou du hasard depuis longtemps. « Tu penses que c'est qui? » Le brun haussa les épaules. Il n'en avait pas la moindre idée, et franchement n'y avait pas vraiment réfléchi non plus. « C'est surement pas quelqu'un de Monterey en tout cas. » La seule conclusion qui lui venait après ces quelques secondes de réflexion. Après quoi, il se dépêcha d’avaler ses médicaments avec une gorgée d'eau, avant de s'affaler le dos dans l'herbe, récupérant un autre bonbon. Quelques instants de silence passent à nouveau avant que James ne tourne de nouveau son regard en direction de Rain, la toisant au passage. « Depuis combien de temps tu fais ce boulot? Tu vis toujours à la maison de ta mère?» Plus il y pensait, plus il réalisait qu'il ne savait vraiment absolument rien d'elle en dehors du fait qu'elle se faisait embêter quand ils étaient tous au lycée. Sauf qu'en général, ces mauvais traitements arrêtent une fois que tous passent à l'âge adulte, plus personne n'a vraiment d'intérêt à embêter les autres. Dans son cas pourtant, elle semble encore regarder les gens comme s'ils étaient des agresseurs prêt à lui tomber dessus au moindre moment.

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@James Aana

« C'est un peu dur de pas y croire, y'a quand même six morts déjà...»  Ah oui, six. C'est vrai. Rain termina de manger sa pomme, réfléchissant en même temps sur le sujet. Ça faisait beaucoup de victime et il courait toujours librement pour l'heure. Étonnant. James avait peut-être raison en disant que ce type n'était probablement pas originaire de Monterey. Mais pourquoi tuer des gens ici, spécifiquement, alors? Elle était loin d'être flic ou détective, mais c'était vraiment confus comme histoire. Difficile d'y voir clair et bien qu'elle n'ait pas peur de lui, il serait sans doute temps de l'arrêter une bonne fois pour toute. Ça tranquilliserait une bonne partie de la ville et ça éviterait aussi qu'on s'amuse à l'accuser elle. Par chance, personne avait eu cette idée. Concentrée sur son repas, elle ne passa pas de commentaire sur le fait qu'il s'était installé trop près d'elle à son goût. Il avait bien le droit de manger où il le souhaitait, mais justement, pourquoi ne pas aller ailleurs. Tant qu'il restait sagement là, en silence, à s'empiffrer de... réglisse, sérieux? Drôle de choix. C'était toujours bon, certes, mais peu conventionnelle comme dîner. Hum. Ça lui plaisait bien comme idée. Elle adorait les friandises elle aussi, ce qu'elle se garda bien de mentionner.

La question au sujet de son boulot et de la maison de sa mère la rendit tout à coup nerveuse. Elle tira contre les manches de son hoodie pour faire disparaître ses mains, puis elle croisa les bras contre sa poitrine. Pourquoi cette question? Qu'est-ce qu'il comptait faire de la réponse? Se moquer d'elle, trouver le moyen de l'insulter ou juste... pour savoir? Pinçant légèrement les lèvres, elle évita son regard, cherchant un truc ailleurs où s'agripper désespérément. Elle pouvait toujours changer de sujet, non? L'ignorer et faire comme s'il n'avait jamais posé de question. Oui voilà, elle n'avait rien entendu de ce qu'il avait dit. Il parlait dans une autre langue et elle n'avait pas bien compris. « Humm » Est-ce qu'un onomatopé pouvait servir de réponse? Probablement pas. Elle se sentait presque comme une élève pétrifiée devant la classe. Vas-y Rain, parle de toi. C'est tout simple. Tout le monde le fait. Les gens échangeaient ce genre de choses, il n'y avait pas de quoi paniquer ou se méfier. Premièrement, depuis combien de temps elle faisait ce boulot. Elle n'avait jamais fait le calcule avant. « Depuis... la fin de l'école » Ouais, environ ça. Elle avait terminé ses cours de base puis basta. Ça avait pris un petit moment pour dénicher un emploi qui lui convenait bien, mais elle y était arrivée toute seule, sans l'aide de personne. Sans doute avait-elle eu la chance de tomber pile au bon moment, lorsque son patron cherchait désespérément quelqu'un pour le poste. Bref. Pour ce qui était de la maison de sa mère... La bouche un peu sèche, elle fixa ses pieds avant de répondre du mieux qu'elle pouvait, dans l'espoir que ce soit suffisant pour qu'il arrête de vouloir des informations sur elle. « Je vis encore là... seule.....mais j'ai des animaux maintenant...» Ah non merde, pas les animaux! Il allait forcément poser encore plus de questions. Lâchant un petit soupire, elle tourna la tête dans sa direction, blasée par sa propre réponse trop détaillée à son goût. Et puis merde. «...c'est juste un chien et...trois chats » Content? Satisfait? Assez de matière pour rigoler d'elle la prochaine fois qu'il ferait une petite soirée entre potes ou peu importe. Quoi que ses potes étaient majoritairement morts, de ce qu'elle savait en tout cas. Hum. Même avec un manque total de pratique pour le social, elle savait qu'il ne fallait jamais parler de ceux qui étaient morts. Les gens le prenaient majoritairement mal. Une sorte de sujet tabou, chose qu'elle ne comprenait pas trop. À son avis, il n'y avait aucun mal à discuter de la mort, mais bon. Ce serait pour une prochaine fois. « C'est très bien comme ça » Ce qui était vrai. Elle, la maison, la solitude, ses animaux de compagnie... Rien à redire, elle n'était pas à plaindre. Certes, elle ne roulait pas sur l'argent, mais elle arrivait à bien payer ses factures et gérer ses dépenses. « C'est pour quoi faire... tes médocs? T'es malade? » À son âge, ce serait plutôt rare. Sauf s'il prenait ça dans le but de se droguer ou truc dans le genre. Rain ne ratait jamais un détail. Elle avait naturellement un don pour l'observation. Récupérant sa bouteille d'eau pour boire quelques gorgées, elle guetta sa réaction. Sujet sensible ou pas? « C'est à cause de l'accident? » Ah, oui, voilà. Sujet sensible. La blondinette fronça les sourcils, incertaine si elle devait s'excuser ou pas. Il était mécontent, ça se voyait, elle le sentait. « Je... heu » Malaise numéro 23 476. C'est bon, elle les accumulait après tout. Il valait mieux se taire. Le silence était toujours la meilleure solution. Glissant une main contre son visage, elle fit un effort pour tenter d'avoir l'air normal pour trois secondes. « Désolé » Bien, pas trop tôt Rain!

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@Rain Everdell

La réaction de la jeune femme à ses questions lui laisse facilement conclure qu'elle n'apprécie pas tellement le fait de parler d'elle. Une chose qu'il peut parfaitement comprendre, enfin, ça n'avait jamais été un problème dans son cas, il avait plutôt tendance à être très ouvert, mais encore une fois, tout ça, c'était avant l'accident. Avant qu'il ne devienne sinistre, bête et complètement antisocial. Le truc, c'est qu'il n'a pas envie de parler de lui-même non plus et comme il ne trouve pas de sujet de conversation concret à avoir avec elle, ça lui semblait l'option la plus facile; la questionner sur sa vie. Il a du rattrapage à faire, après toutes ces années où ils ne se sont pas adressé la parole. Faut dire aussi qu'il ne s'était pas donné la peine de prendre de ses nouvelles non plus. Peut-être qu'il aurait du. Pour un peu, il aurait presque des regrets de s'être comporté comme un connard, presque, parce que je le rappelle, maintenant il est bête et complètement antisocial, alors les autres ne sont pas dans ses priorités. Puis, si elle n'a vraiment pas envie de répondre, elle peut aussi choisir de ne pas le faire et ils reviendront simplement au silence un peu bizarre d'y il y a quelques instants. Ça lui va aussi, il a pris l'habitude de se retrouver dans des échanges awkward avec les gens, pour ne pas dire que c'est devenu son quotidien. Visiblement, quand on passe proche de mourir, plus personne ne semble savoir comment se comporter normalement ensuite.

« Depuis... la fin de l'école » James hocha légèrement la tête, calculant quelques instants combien d'années ça pouvait représenter. Ils avaient presque le même âge, ça il s'en souvenait, elle, légèrement plus âgée que lui quand même, donc peut-être avait-elle fini un an plus tôt. Dans tous les cas, ça devait donc faire au moins 6 ans environ qu'elle faisait ce job. C'était beaucoup. Il ne tiendrait jamais ça, qu'il contrarie ses parents ou non, il aura démissionné bien avant de se rendre à ce chiffre. Non pas que le job est si pénible, mais il n'a jamais vraiment aspiré à faire de l'entretien et ce même s'il ne savait pas ce qu'il voulait faire. Il savait au moins que ce n'était pas ça. « Je vis encore là... seule.....mais j'ai des animaux maintenant...» Un chien, ça il le savait, l'ayant déjà vu avec elle. «...c'est juste un chien et...trois chats » Et trois chats aussi. D'accord. Le jeune homme tira un autre bonbon du paquet, l'observant au passage en essayant de comprendre pourquoi elle semblait si emmerdé de lui dévoiler cette information. Comme elle le disait, c'était très bien comme ça. Lui aussi, il troquerait bien la compagnie des humains pour celle des animaux par moment. « On a un bocal avec des poissons chez moi. » Ils ne sont pas à lui, de toute évidence, sinon ils seraient morts depuis longtemps, mais tout de même, ils sont sympathiques...et complètement inutiles. Et probablement de moins bonne compagnie que des chiens ou des chats. James n'était pas certain que c'était un détail digne de mention, mais puisqu'elle parlait de ses animaux...Un sujet qu'ils auraient d'ailleurs pu prolonger, puisque très neutre, mais au lieu de ça, la jeune femme enchaina en le questionnant sur ses médicaments, si c'était parce qu'il était malade ou à cause de l'accident. Tient voilà, il se disait bien qu'elle était courant de l'histoire aussi, comme tout le monde. Il n'avait pas envie d'en parler c'est vrai, mais il s'était aussi fait une raison, que ça allait prendre plus qu'un an et demi avant que ce soit de l'histoire ancienne et oubliée et qu'on arrête de lui en parler ou de le questionner à ce sujet. Se voulant le plus détaché possible, James haussa vaguement les épaules quand elle s'excusa. Il préférait de loin laisser croire aux gens que ça ne l'affectait pas, c'était plus facile comme ça. « C'est à cause de ça, ouais. C'est pour que je finisse de guérir des blessures que j'ai eu...et pour...me réparer, je suppose...mentalement. » Que de la merde selon lui, parce qu'à part lui filer des effets secondaires désagréables, il ne voyait pas vraiment en quoi ça l'aidait à être mieux. Il étira un bref sourire, ajoutant; « Je me suis pas raté sur ce coup là. », avant de prendre une autre bouchée de la réglisse. Il avait toujours été casse-cou, ce n'était pas nouveau, avait réussi très souvent à se faire mal, mais là, il pouvait dire qu'il avait dépassé ses propres records. Tant qu'à être dans les sujets qui fâchent, devait-il lui demander comment allait sa mère? Non, il allait éviter. « Et toi, pourquoi t'as jamais quitté la ville pour refaire ta vie ailleurs, hein? » Elle aurait très bien pu, surtout si ce n'était qu'elle et ses animaux maintenant. Puis, l'argent n'était pas un excuse, un job pourri, elle pourrait en avoir un n'importe où, non?